Ahamkara

Ahamkara ou égoïsme est le principe d’auto-attribution chez l’homme. C’est un Vritti ou modification qui naît dans le mental. Patanjali Maharshi nomme ceci ‘Asmita’. Le même mental prend la forme de l’égoïsme quand l’homme s’auto-arroge. Ahamkara se manifeste en premier puis vient ‘Mamata’.

Cet égoïsme néfaste génère actions, désirs et douleurs. Il est la source de tous les maux. Il est illusoire. Il trompe les gens. Bien qu’il ne soit rien, il est tout pour les gens matérialistes. Il est associé à la possession. Il naît d’Avidya ou ignorance. Il vient d’une fausse suffisance. La vanité l’entretient. C’est le plus grand ennemi. Si vous renoncez à ce terrible Ahamkara vous serez heureux. Le secret de la renonciation est de renoncer à l’égoïsme. Ahamkara a son siège dans le mental. C’est sous l’influence de l’égoïsme que l’homme commet de mauvaises et de fausses actions. L’égoïsme est profondément enraciné. Les anxiétés et les problèmes proviennent de lui. Ahamkara détruit nos vertus et la paix du mental. Il étend le piège de l’affection pour nous attraper. Celui qui est libre de tout égoïsme est très heureux et paisible. Les désirs se multiplient et se développent à cause de l’égoïsme. Notre ennemi invétéré, l’égoïsme, a étendu sur nous l’envoutement de nos femmes, amis, enfants, etc…, dont le charme est difficile à briser. Il n’y a pas d’ennemi plus grand que l’égoïsme.

Celui qui n’a ni désir ni aversion, et qui préserve tout le temps la sérénité du mental, n’est pas affecté par le sentiment de l’égoïsme. Il y a trois sortes d’égoïsme dans le monde. Deux sortes sont bénéfiques et de natures supérieures, mais la troisième est d’un genre vil, et doit être abandonnée par tous. La première est l’ego suprême et indivisé qui est éternel et qui imprègne tout le monde. C’est l’âme suprême, à côté de laquelle il n’y a rien dans la nature. Méditez sur la formule ‘Aham Brahma Asmi—Je suis Brahman’. Identifiez-vous avec Brahman. C’est l’Ahamkara Sattvique. La connaissance, qui nous fait percevoir que notre propre Soi est plus subtil que le bout d’un grain de riz ou aussi minuscule que la centième partie d’un cheveu, et qui est permanent, est le second genre d’Ahamkara. Ces deux sortes d’égoïsme se trouvent chez les Jivanmuktas ou sage libéré. Elles mènent à la libération de l’homme. Elles ne causeront pas d’attachement. Elles sont donc de nature bénéfique et supérieure. La troisième sorte d’Ahamkara est la connaissance qui identifie le ‘je’ avec le corps composé de mains, pieds, etc…, et qui prend le corps pour l’Âme ou le Soi. Ceci est la plus mauvaise ou la plus basique forme d’égoïsme. Ceci se trouve chez toutes les personnes matérialistes. Ceci est la cause de la croissance de l’arbre empoisonné des renaissances. Ceux qui possèdent ce genre d’égoïsme ne peuvent jamais revenir à la raison. D’innombrables personnes ont été trompées par cette forme d’Ahamkara. Elles ont perdu leur intelligence, leur pouvoir de discrimination, et leur pouvoir d’investigation. Ce genre d’égoïsme engendre des résultats néfastes. Les gens sont sous l’influence de tous les maux de la vie. Ceux qui sont les esclaves de cette forme d’Ahamkara, sont tourmentés par différents désirs, qui les incitent à faire de mauvaises actions. Ce genre d’Ahamkara les rabaisse à l’état de bêtes. Il devrait être détruit au moyen des deux autres sortes d’Ahamkara. Plus vous réduisez cet égoïsme, plus vous aurez la connaissance de Brahman ou la lumière de l’Âme.

Ainsi, il y a trois sortes d’Ahamkara, à savoir l’égoïsme Sattvique, l’égoïsme Rajasique, et l’égoïsme Tamasique. L’égoïsme Sattvique n’attachera pas l’homme au Samsara. Il aidera l’aspirant à atteindre l’émancipation finale. Si vous essayez d’affirmer ‘Aham Brahma Asmi : Je suis Brahman’—ceci est de l’égoïsme Sattvique. Même chez un Jivanmukta, il reste une légère trace d’égoïsme Sattvique. Il agit par cet égoïsme Sattvique. ‘Je suis un roi, je sais tout, je suis très intelligent’—ceci est de l’égoïsme Rajasique. ‘Je suis un imbécile, je ne connais rien’—ceci est de l’égoïsme Tamasique.

Le sens littéral ou Vachyartha de ‘Aham’ Pada est Aham Vritti qui naît dans le mental, le petit ‘Je’ qui s’identifie avec le corps. Le sens subjectif ou Lakshyartha de ‘Aham’ Pada est Atman ou Brahman, le grand ou l’infini ‘Je’. La cause de l’égoïsme est une simple illusion. La connaissance est la cause de l’égoïsme. La connaissance est engendrée par les objets illusoires tels que corps, arbre, fleuve, montagne, vache, cheval, etc… S’il n’y a pas d’objet, vache, cheval etc…, nous n’aurons aucune connaissance des objets. Alors l’égoïsme, la graine de Manas, sera absorbée.

L’idée de ‘Je’, qui est le nid contenant toute les fragilités, est la graine de l’arbre du mental. La pousse de la graine d’Ahamkara qui germe en premier est Buddhi ou l’intellect. De cette pousse, les branches appelées Sankalpas prennent leur origine. Par une telle différenciation, le mental, Chitta et Buddhi, ne sont que les différents noms ou qualités du même Ahamkara. Les branches de Vasanas produiront d’innombrables récoltes de Karmas, mais si avec l’épée de Jnana vous les coupez du tronc, elles seront détruites. Coupez les branches de l’arbre du mental, et détruisez finalement l’arbre jusqu’à la racine. Coupez les branches est seulement une chose secondaire, la principale étant l’éradication de l’arbre jusqu’à sa racine. Si, par des actions vertueuses, vous détruisez l’idée de ‘Je’ à la racine de l’arbre (mental), alors il ne poussera plus. Atma Jnana ou Connaissance du Soi est le feu qui détruit la conception d’Ahamkara, la graine de l’arbre.

Il y a une autre classification de l’égoïsme, à savoir grossier (Sthula) et subtil (Sukshma). Quand vous vous identifiez avec le corps physique grossier, c’est de l’égoïsme grossier. Quand vous vous identifiez avec le mental et Karana Sarira (corps graine) c’est de l’égoïsme subtil. Si vous détruisez la fierté, l’égoïsme, les désirs, et l’identification avec le corps, l’égoïsme grossier périra, mais l’égoïsme subtil subsistera. Vous devez annihiler l’égoïsme subtil également. Il est plus dangereux et plus difficile à éradiquer. ‘Je suis un homme riche, je suis un roi, je suis un Brahmane’—ceci est de l’égoïsme grossier. ‘Je suis un grand Yogi, je suis un Jnani, je suis un bon Karma Yogi, je suis un homme moral, je suis un bon Sadhaka ou Sadhu’—ceci est de l’égoïsme subtil. Il y a une autre classification d’Ahamkara, à savoir Samanya Ahamkara (égoïsme ordinaire) et Visesha Ahamkara (égoïsme spécial). L’égoïsme ordinaire se trouve chez les animaux. Visesha Ahamkara se trouve chez les êtres humains.

Vous dites : ‘Ceci est mon corps’. Les vautours, chacals et poissons disent aussi : ‘Ceci est mon corps’. Lorsque vous enlevez une par une les différentes couches d’un oignon, celui-ci se réduit à rien. Ainsi est le ‘Je’. Ce corps, mental, Prana, sens, etc…, sont tous des combinaisons des cinq éléments et des Tanmatras. Ce ne sont que des modifications de Prakriti. Où est alors le ‘Je’ ? Ce corps physique appartient à Virat, le corps astral à Hiranyagarbha et le corps causal à Isvara. Où est alors le ‘Je’ ? Le ‘Je’ est un rien illusoire, fabriqué par le jongleur mental. Rien ne dit qu’il existe. Ce qui est produit par le Karma n’en est pas la cause. La connaissance ou la conscience que nous en avons est elle-même illusion. Par conséquent, Ahamkara et les autres effets qui sont produits par l’illusion de la connaissance sont également non existants. Le ‘Je’ réel est Sat-Chit-Ananda Brahman seul.

Tout comme le mouvement du train ou du bateau est transféré, en apparence, aux arbres, le ‘Je’, par la jonglerie de Maya, est transféré au corps, au mental, au Prana et aux sens. Quand vous dites : ‘Je suis gros, je suis maigre’, le ‘Je’ est transféré au corps et vous vous identifiez avec le corps. Quand vous dites : ‘J’ai faim, j’ai soif’, le ‘Je’ est transféré au Prana et vous vous identifiez avec le Prana. Quand vous dites : ‘Je suis en colère, je suis rempli de désir’, le ‘Je’ est transféré au mental. Si vous vous identifiez avec le Soi Suprême, toutes les fausses identifications s’évanouiront.

Si vous tuez le commandant d’une armée vous pouvez aisément soumettre les soldats. De même, si vous tuez le commandant égoïsme sur le champ de bataille Adhyatmique, vous pouvez très facilement soumettre les soldats, à savoir l’envie, la colère, la jalousie, l’avidité, l’illusion, l’hypocrisie, qui se battent pour leur maître—l’égoïsme.

Essayez d’atteindre Brahman au moyen des deux premiers genres d’égoïsme supérieur. Si vous êtes fermement établi dans cet état suprême immaculé, où même ces deux genres d’égoïsme supérieur sont abandonnés un par un, alors un tel état est l’impérissable demeure de Brahman. N’identifiez pas le ‘Je’ avec le corps physique. Identifiez-vous avec le Soi Suprême ou Para Brahman.

Vous pouvez avoir réduit votre égoïsme dans une très large mesure mais si vous êtes encore susceptible de critiquer ou de faire des éloges, sachez que l’égoïsme subtil est encore tapi en vous.

Un aspirant, qui marche sur le chemin de la dévotion, détruit son égoïsme par l’abandon de soi au Seigneur ou Atma Nivedana. Il dit : ‘Je suis à Toi mon Seigneur. Tout est à toi. Que Ta volonté soit faite’. Il ressent qu’il est un instrument dans les mains du Seigneur. Il dédit toutes ses actions et les fruits de ses actions au Seigneur. Il ressent qu’il n’y a rien d’autre que le Seigneur, que tout est fait par le Seigneur, que même un atome ne peut se mouvoir sans Lui et que tous vivent, se meuvent et ont le cœur de leur être en Lui seul.

Un Karma Yogi détruit son égoïsme par le sacrifice de soi. Un Jnana Yogi tue son égoïsme par l’abnégation de soi, par Vichara, et par la pratique de ‘Neti-Neti’—je ne suis pas ce corps, je ne suis pas le Prana, je ne suis pas les sens’, et par l’identification avec le Soi Suprême, en méditant sur la formule ‘Je suis le Soi tout pénétrant ou Brahman’.

Puissiez-vous vous reposez dans le grand ‘Je’ Infini, le pur Sat-Chit-Ananda Brahman, et jouir de la Béatitude Eternelle en annihilant ce petit ‘Je’ illusoire, le produit de Maya, par le sacrifice de soi ou l’abandon de soi.

II

Un Brahmane alla chez un propriétaire pour obtenir une maison, afin de nourrir des Sadhus pour un Bhandara. Le propriétaire lui donna une maison. Il l’utilisa dans ce but. Il ne quitta pas la maison le jour suivant mais y resta pendant plusieurs mois. Le propriétaire demanda au Brahmane quand il allait quitter la maison. Le Brahmane dit qu’il voulait garder la maison pour quelques mois de plus, car il voulait y célébrer le mariage de son fils. Le propriétaire lui accorda la permission. L’avide Brahmane ne partit pas même après deux ans. Le propriétaire lui demanda encore une fois, quand il allait quitter la maison. Le Brahmane dit qu’il avait perdu sa mère et qu’il garderait la maison jusqu’à ce que la cérémonie soit finie. Le propriétaire patient l’y autorisa. Trois années passèrent. Alors le cupide Brahmane pensa qu’il pourrait revendiquer la maison comme si elle lui appartenait, car il y avait vécu pendant longtemps, et les voisins savaient bien qu’il en était le résident et propriétaire. Quand le propriétaire le questionna au sujet de la maison, le Brahmane lui répondit que la maison lui appartenait et refusa de la libérer. Le cas passa devant le tribunal. Le pauvre Brahmane ne put produire les papiers adéquats, bien qu’il présenta de faux témoins. Il dut rendre la maison au propriétaire.

De façon similaire, on vous a fourni la maison, le corps physique pour y habiter pendant quelques années, pendant lesquelles on attend de vous que vous réalisiez Sat-Chit-Ananda, et que vous quittiez le corps pendant Videha-Kaivalyam. Au lieu de faire cela et à cause d’Ahamkara vous vous comportez comme le Brahmane cupide. Détruisez Ahamkara et reposez-vous en Brahman.