Un mouvement spirituel consciemment systématisé.
Voyons maintenant les principales qualifications nécessaires pour se lancer dans la réelle Sadhana. Tous les anciens saints, voyants, hommes de Dieu qui ont eu l’expérience intuitive de la Vérité, ont déclaré à toute l’humanité la grande félicité, l’immense puissance et connaissance qui peuvent être expérimentées si seulement l’homme voulait se détourner de la vie sensuelle immorale et rechercher une vie élevée divine.
Pourtant nous voyons aujourd’hui que l’homme est autant immergé (si pas plus) dans le matérialisme qu’il l’était il y a des siècles et l’état de l’humanité est aussi apathique et léthargique sur ces questions de vie spirituelle qu’elle ne l’était au début de la création. En dépit de l’appel retentissant de beaucoup de grands voyants, l’assurance des Écritures, les expériences répétées de l’homme lui-même échouant misérablement pour atteindre le bonheur dans ce monde physique extérieur, pourquoi l’homme est-il encore et encore déçu ? Pourquoi est-ce que l’homme n’a pas encore appris à faire la Sadhana ? Nous lisons des centaines de livres spirituels ; nous assistons à des discours ; nous organisons des réunions comme durant la semaine de Sadhana. Pourtant après des années d’études intenses de livres spirituels, de contact avec des saints, après avoir écouté ces choses encore et encore, l’homme, en fait, ne fait rien car il n’a pas une foi profonde et durable dans les admonitions des saints, dans les Écritures, dans les paroles de ceux qui ont marché sur la voie et atteint la félicité. Sa foi dans les objets extérieurs est quelque chose de plus réel pour lui. Si seulement l’homme croyait vraiment dans ces grands, il serait sûrement incité à agir selon leurs paroles.
C’est ce manque fondamental de foi de l’homme qui est à la racine de son échec de faire la Sadhana. La Sadhana est nécessaire ; mais l’homme ne veut pas la faire car il ne croit pas vraiment à sa nécessité. L’homme pense que pour son bonheur il a besoin d’argent. L’homme croit que s’il a un bon travail il aura de l’argent. L’homme croit que s’il a un bon niveau d’études, il aura ce travail ; et par lui de l’argent et à travers ceci le bonheur qu’il désire. En croyant cela, tous les parents envoient leurs enfants à l’école, et depuis l’enfance on leur enseigne de croire que s’ils passent leurs examens honorablement, ils auront un bon travail, un bon salaire, une voiture, etc. L’enfant croit en ces paroles ; il étudie, passe les examens et la rémunération qu’il attend arrive. Parce qu’il a le sentiment, parce qu’il pense que toutes ces choses sont nécessaires, il les désire.
Mais finalement, l’homme fait l’expérience malheureuse de recevoir dix fois plus de malheur que de bonheur. L’homme reçoit un Anna de bonheur et avec lui quinze Anna de douleur et souffrance pour lesquelles il n’a pas négocié quand il s’est d’abord mis à chercher ce bonheur.
Si l’homme croyait dans le cours de l’action spirituelle, il agirait en fonction d’elle. Mais cette foi manquante, il ne fait pas de Sadhana. Si un homme se lance dans la Sadhana, s’il veut réellement obtenir cette félicité qui n’est pas mélangé avec la douleur, il aura certainement besoin de foi. Cela peut être appelé foi aveugle ; mais il n’y a pas de foi aveugle car tout sur cette terre se passe uniquement avec la foi et si l’homme vit aujourd’hui, c’est à cause de confiance mutuelle et de foi. Un billet de dix roupies est un morceau de papier et parce qu’il y a le signe de Asoka Chakra dessus, vous obtiendrez tout ce que vous voudrez si vous le présentez au bazar. Car vous avez la foi dans ce morceau de papier. Si vous n’aviez pas la foi dans ce papier, vous n’auriez pas la confiance en quittant la maison ; vous ne seriez jamais sûr d’atteindre votre destination. Le docteur vous donne une prescription sur un morceau de papier. Si vous n’aviez pas confiance vous ne la prendriez pas. Mais la foi, sur laquelle toute la société est basée, fait que vous le croyez, que vous le payez pour son conseil, que vous allez chez le pharmacien, que vous prenez le médicament et que vous guérissez. L’entière structure et ordre social sur laquelle repose l’humanité est basé sur la confiance et la foi.
SI vous êtes prêt à faire confiance à l’humanité qui est seulement un phénomène passager, (ceux en qui vous avez eu confiance meurent devant vos yeux), si vous êtes prêt à faire confiance à cette entité passagère telle que l’humanité, pourquoi ne devriez-vous pas faire confiance au vrai créateur de ces choses ?
Ayant avant tout entièrement confiance dans les paroles des voyants et connaissant la nécessité de la Sadhana, quelle est la procédure, que doit-on faire en suivant ? Des milliers de gens bienveillants peuvent suggérer des bonnes manières de faire pour votre bien être et vous y croirez peut-être pleinement. Si vous ne les pratiquez pas – si vous ne commencez pas à les mettre en fonction – ils resteront toujours des plans à l’état de projets. Si vous ne commencez pas à vous procurez de l’argent, ciment, brique, divers autres matériaux de construction et main d’œuvre, toute la construction restera sous forme de projet. Cela ne verra pas la lumière du jour. Après la confiance dans la Sadhana vient la pratique. Vous devez vous mettre à faire. Ce n’est pas une question de croyance. Une conviction doit devenir un acte. On doit se mettre à faire. Reposant la confiance dans les paroles des sages, vous commencez à faire la Sadhana. Une fois que vous avez commencé la Sadhana, vous devriez garder en mémoire une chose importante, c’est de ne pas abandonner facilement. La persévérance est de la plus haute importance. Tous les processus dans cet univers sont progressifs. Ils ont des phases. L’agriculture est progressive ; cela prend douze mois. Vous devez semer, arroser le champ, enlever les mauvaises herbes et avec le temps il sera possible de récolter les grains. Si vous êtes impatient, si vous semez la graine et que vous la sortez de terre dés qu’elle a germé, elle va périr. Si vous voulez passer par tous les états et parvenir au bout, vous devez avoir de la patience et de la persévérance. Un homme qui veut sortir une cruche pleine d’eau du puits commence à tirer l’eau vers le haut. Si soudainement il arrête de tirer, la cruche retombe dans le puits. Il devra tirer jusqu’à ce que la cruche soit en haut. Persévérez jusqu’à ce que l’ultime fruit soit obtenu. Vous ne devez pas abandonner.
Un autre point important dans la Sadhana est que l’homme ne doit pas seulement se contenter de la force positive. Il y a des forces actives qui s’opposent à lui et qui en fait l’assaillent et le tirent vers le bas. D’où la nécessité d’avoir une quatrième arme qui est la détermination. Bien que persévérant, l’homme a besoin d’un peu de courage pour ne pas être facilement ébranlé par les obstacles qui l’assaillent. Il aura à braver la tempête et à avancer malgré les difficultés et conditions adverses qui essayeront de l’intimider, de l’éloigner du chemin de la Sadhana. Avec détermination il refusera de se décourager et comptant sur son Soi intérieur, il poursuivra sa Sadhana. Finalement, il atteindra l’idéal pour lequel il est né sur cette terre. Et pendant qu’il passe par ce processus, il aura à garder à l’esprit la nécessité de faire attention à tous les petits détails sur le chemin, car dans chaque processus, tous ces petits détails doivent être traités soigneusement. Si un quelconque petit détail est oublié, pensant qu’il est superflu, il aura finalement perdu un temps et un travail précieux. Ceci retarde la progression. C’est la conglomération de petites choses qui font que l’on atteint de grands idéaux.
Par conséquent, avec une confiance ferme, une application pratique, la persévérance, une attention minutieuse, même aux petits détails, et une détermination dans les épreuves ; vous prendrez pied et avancerez sur le chemin de la Sadhana.
Le chemin de l’aspirant spirituel passe par une jungle déconcertante de difficultés, de dilemmes et de paradoxes. Un de ces paradoxes contrariant, est que votre mental est à la fois votre ami et votre pire ennemi. Le mental devient un véritable ami seulement après avoir été entraîné progressivement pour être ainsi. Le mental commence à être vraiment serviable après que l’aspirant ait progressé suffisamment dans la Sadhana. Jusque-là, il devrait être considéré comme un ennemi gênant et traître. Il est extrêmement diplomatique, rusé et tortueux. C’est un archi-trompeur. Un des chefs d’œuvre de l’ingéniosité du mental est de faire ressentir et imaginé d’un air suffisant à l’aspirant que celui-ci le connaît parfaitement et qu’il ne peut pas être abusé par lui, et en même temps, de le tromper complètement. Le mental a le don de faire penser en toute confiance à l’imprudent aspirant qu’il est lui-même le maître, pendant qu’il en fait un désespérant idiot . Ses duperies sont très subtiles.
Vous avez entendu le dicton, ‘Le démon peut citer les Écritures pour son intérêt’. Similairement, l’esprit peut utiliser une vertu pour céder à un vice. Il a une tendance innée à la perversion. Cela peut même prendre pour support un principe apparemment parfaitement bon pour justifier une action peu scrupuleuse. À moins qu’il ne soit scruté froidement, ses combines ne sont jamais complètement découvertes.
D’autre part, ce n’est seulement qu’à travers une activité désintéressée, un travail sans attachement et un service attentionné que l’on peut acquérir les précieuses gemmes de pureté, de patience et d’humilité. L’humilité ne s’obtient que par le seul service. Par rapport à cela, il est d’un grand profit de se souvenir d’un point d’une valeur pratique immense, à savoir que l’humilité forme la base de toutes les vertus. Ce n’est que lorsqu’un homme est humble et ressent qu’il y a beaucoup qu’il ne possède pas et qu’il n’a pas besoin d’acquérir, que s’élève en lui le désir pressant de grandir dans ces nobles qualités qui lui manquent. Ici commence la tentative systématique d’acquérir et de posséder ceux-ci. L’homme fier et arrogant n’a que de maigres possibilités pour grandir car il ressent qu’il sait tout. C’est cette suffisance dans sa fierté qui l’amène à penser qu’il ne reste rien à rechercher et à acquérir pour lui. Par conséquent, il est dit que l’humilité est la source la plus fructueuse de toutes les vertus et tout ce qui est bon et gentil vient naturellement d’elle.
La générosité et aussi la gentillesse sont le résultat de contacts actifs avec le suppliant et le nécessiteux, l’impuissant, l’infortuné et le désespéré. En cela réside l’unique qualité distinctive de Nishkamya Karma Yoga, le travail fait respectueusement comme adoration envers le Tout Puissant. Toutefois, certains traits nobles existent chez l’homme sous un double aspect, latent et manifeste. Par exemple, la qualité de pureté se manifeste par la chasteté dans la vie. L’intrépidité se manifeste comme courage positif quand une crise soudaine est suscitée, quand une dangereuse urgence survient. Un état habituel de retenue se manifeste comme un acte délibéré de contrôle de soi en face d’une tentation. Pour un développement complet et équilibré des deux aspects, la Karma Yoga devient indispensable.
Ici encore, les vertus subjectives développées par une vie en solitaire pour atteindre la perfection devraient être activement exercées. On ne devrait pas se satisfaire d’éliminer seulement le mal, en étant vertueux dans un sens négatif. Il doit y avoir une passion positive pour mettre en pratique le bon en nous pour l’amélioration de la joie et du bien-être de toutes les créatures. Alors seulement, ces vertus se justifient elles-mêmes ; elles deviennent, pour ainsi dire, des fruits mûrs, des fleurs pleinement épanouies.
Ensuite, elles vont se développer dans leur étendue, graduellement, du cercle individuel à toute l’humanité et finalement deviendront universelles et cosmiques.
Le progrès et le développement, s’ils doivent s’étendre ainsi à l’infini doivent être dynamiques. Sur le chemin du bonheur moral et spirituel une vie de passivité porte en elle le danger de la stagnation survenant à un stade ou un autre. C’est la raison pour laquelle beaucoup échouent dans l’atteinte de la perfection éthique même après des années d’isolement et de méditation. Des activités désintéressées et un service aimable ne devraient par conséquent jamais être sous-estimés et négligés.
Finalement, on devrait garder en mémoire un point important. On a vu comment l’humilité est le fondement de tout bien. Ainsi, c’est encore l’humilité qui soutient et préserve les vertus acquises avec une grande peine et de patients efforts. L’humilité est le bouclier et l’armure contre l’ennemi juré de l’aspirant, fierté morale et spirituelle. Pour avoir considérablement progressé sur le chemin de la vertu, l’homme vertueux va inconsciemment devenir la proie de la vanité. Un sentiment insidieux d’auto-approbation va s’infiltrer en lui de manière inaperçue. Cela va se manifester plus tard sous la forme d’une sorte d’attitude indulgente et d’un mépris hautain pour ceux qui ne suivent pas une vie similaire. Une humilité constante gardée vivante par une pratique incessante de service est la seule armure sûre contre cet ennemi. Sa vigilance protège le chercheur dans sa lutte pour la quête de la vérité et le bonheur durable. Celui qui efface son petit ‘soi’ par une vie de service désintéressé aimable et humble avec Narayana Bhava obtient un bonheur et une joie unique. Qui peut évaluer la joie exquise qu’il éprouve ! Que tous par conséquent puissent réaliser l’importance capitale de la culture de nobles vertus.
Que tous puissent clairement percevoir l’indispensable nécessité de les exercer activement et devenir avec joie et sans hésitation des Nishkama Karma Yogis.
Swami Sivananda