CONNAIS-TOI TOI-MÊME
Jetons un instant un coup d’œil sur la vie vibrante et dynamique à la surface de notre globe. Nous voyons immédiatement que d’immenses progrès ont été réalisés durant les deux siècles passés. L’homme a progressé, a trouvé de nouvelles ressources, a découvert plus sur les choses qu’il n’en connaissait avant. Par son ingéniosité et sa sagacité scientifique, il a mis au point des instruments qui font que des choses qui ne pouvaient être perçues auparavant sont aujourd’hui dévoilées au regard humain, des instruments d’un tel pouvoir grossissant que des phénomènes presque invisibles, ainsi que cosmiques, sont révélés à l’œil pénétrant des scientifiques. Autant les réalisations qui ont été faites dans le domaine des sciences physiques, chimiques, mécaniques, ingénierie, électroniques, etc. sont grandes, autant plus grand encore est le contrôle qu’exerce l’homme sur les forces extérieures. La vie est aujourd’hui remplie d’innombrables conforts et avantages faits pour le plaisir. Ces merveilleux progrès réalisés font que cette vie moderne aurait été impossible, fantasque, purement extravagante il y a quelques siècles. Ce qui était considéré comme un rêve est néanmoins devenu une réalité aujourd’hui.
Cependant, jetons un second coup d’œil et observons l’humanité. Nous y voyons, aux différentes parties du globe, une immense masse de gens ayant une condition matérielle améliorée mais sans une amélioration de la satisfaction et de la paix intérieure, qui aurait dû être le résultat des progrès de la science extérieure. Si l’homme doit s’améliorer et avancer, il doit le faire à tous les niveaux et dans toutes les sphères de la vie et de l’activité. Il n’y a aucun doute que l’efficacité a augmenté et que l’organisation s’est élargie. Mais pourquoi l’amélioration du bonheur n’est-il pas apparent dans la vie de l’individu ? Il y a d’étranges déséquilibres existants entre les groupes qui jouissent d’une grande prospérité et d’autres qui souffrent dans la plus grande misère. Dans une région il y a une immense richesse et abondance. Dans une autre il y a appauvrissement et famine. Même dans la vie de l’homme moyen, il y a prospérité en même temps que souffrance, avantages en même temps que mécontentement. Les possessions de l’homme ont augmenté, mais sa joie, son indispensable joie de vivre, n’a manifestement pas augmentée. Si on faisait un sondage, personne ne pourrait honnêtement dire : ‘Oui, je pense que toutes ces améliorations matérielles nous ont mis dans un état de joie perpétuelle et de pur bonheur’.
Même au niveau du bien-être physique de l’être humain, le progrès réel est douteux. Le nombre d’hôpitaux a augmenté au-delà de toute comparaison ; docteurs, médecine, usines chimiques, fabrication de médicaments et différentes méthodes de chirurgie ont décuplé ; mais les maladies se sont grandement multipliées. Plus l’humanité progresse dans la science, plus les nouvelles sortes de maladies et de souffrances qui affligent l’homme se répandent. Y a-t-il une raison à cela ?
La négligence fondamentale de l’étude de l’homme
Il y a une raison simple. L’homme est finalement l’unité la plus importante dans cet univers. Dans ses mains se trouve la clef de la direction que prennent les affaires humaines. L’homme n’a pas de contrôle sur les tempêtes, les marées, les tremblements de terre, la sècheresse, les cyclones ; il n’a pas de contrôle sur les éléments universels, mais aussi longtemps que cela concerne la vie de l’individu, que ce soit au niveau de la famille, de la communauté, de la ville, de la capitale, de la nation ou du monde, dans tous ses différents aspects, s’élargissant de plus en plus, le contrôle se trouve dans les mains de l’homme. L’homme est responsable de ses affaires. Il peut dire : ‘Oui, continuons dans cette direction’ ou ‘changeons maintenant de direction et prenons en une autre’. Avec cet élément essentiel de la vie, à savoir l’homme, tout n’est pas en ordre. Pendant que des progrès sont faits dans tous les domaines de la nature extérieure, la nature même de l’homme a été négligée.
La plus grande étude de l’humanité est l’homme. L’être humain doit se connaître. Il doit comprendre sa propre nature. C’est dans la connaissance de soi que les lois qui gouvernent la vie sont découvertes, et que les facteurs qui déterminent le comportement humain sont révélés. Avec la connaissance des forces intérieures, on apprend à appliquer les lois qui gouvernent ces forces et qui dirigent ainsi correctement notre propre comportement. Si cette connaissance essentielle ne fait pas l’objet d’une étude et d’une recherche sérieuse, si la connaissance basique de soi est négligée, alors aucune connaissance des choses extérieures, aussi immense ou impressionnante soit-elle, ne pourra apporter un état réel de progrès dans le monde de l’homme.
Aujourd’hui cette connaissance de notre propre nature est totalement éclipsée. Avec cette insuffisance dans la connaissance humaine, une dégénérescence de la nature humaine en est le résultat naturel. Le pouvoir rend l’être humain égoïste, égocentrique et avide. Ce phénomène d’accaparer le pouvoir est si courant, qu’on le voit partout à travers le monde. Chaque communauté protège ses propres intérêts, souhaitant acquérir toute la connaissance et le pouvoir pour elle-même et se met ainsi en opposition avec le reste de l’humanité. Chaque communauté est frappée par l’envie dangereuse d’utiliser le pouvoir ainsi acquis pour la destruction de tous, excepté les quelques-uns avec lesquels elle s’est identifiée.
Ceci est l’image de l’état précaire de ce début de la deuxième moitié du vingtième siècle. Nous voyons que le progrès réel a été vicié et pervertit par un manque de raffinement de la nature humaine. Si tout en progressant dans le contrôle de la nature externe, il avait également gagné la connaissance de lui-même, si tout en raffinant le code de l’éthique, il avait aussi amélioré la qualité de son être, en augmentant sa capacité d’aimer, sa capacité de compassion, sa capacité de se mettre au service des autres, sa capacité de sacrifice, si ce progrès s’était fait au même rythme que le progrès émanant de la maîtrise de l’homme sur les forces extérieures, alors l’image d’aujourd’hui serait une image d’équilibre et de bien-être, dans toutes les communauté de la terre. Il y aurait plus de bonheur. Il y aurait plus de fraternité et d’amitié. Il y aurait plus de coopération mutuelle.
Le déséquilibre entre les avancées externes faites par la société humaine et la dégénérescence subit par l’individu humain sont la cause racine de l’état de non bonheur dans lequel se trouve l’humanité d’aujourd’hui, un état de peur, d’incertitude et d’insécurité. La question est : Si autant de connaissance a été acquise et autant de pouvoir a été obtenu pendant le siècle passé, (connaissance et pouvoir jusqu’à présent au-delà de l’atteinte de l’homme), pourquoi existe-t-il un tel sentiment profond, dans tous les cœurs humains, que cette période est si difficile à vivre ? Les gens ne veulent pas penser au présent. Soit ils se projettent dans une utopie future où l’homme aurait peut-être résolu tous ses problèmes présents, soit ils pensent avec nostalgie au passé ‘Quand les choses allaient mieux’. Le présent semble être un présent plein d’agitation. Cette attitude est due à cette erreur fondamentale de l’être humain. Tout le pouvoir de son mental, de ses perceptions et de ses sens a été complètement extériorisé. Il n’a pas essayé, en tout premier lieu, de commencer par le bon point de départ.
Si l’homme ne se connaît pas lui-même, comment peut-il vivre sa vie avec succès ? C’est comme une personne qui ne connaît que la conduite d’une voiture pendant un voyage long et hasardeux, peut-être des milliers de kilomètres, sans rien connaître de la mécanique du véhicule qui le conduit par tous les chemins vers sa destination. Elle est en fait à chaque instant dans une situation précaire car si la mécanique se détériore elle ne pourra pas évaluer sa situation ou faire les réparations nécessaires. Ceci est la position de ceux qui aujourd’hui reconnaissent que les choses ne vont pas, mais qui ne savent pas exactement comment faire les corrections. Pas tous les psychiatres et psychologues peuvent convaincre les gens qu’ils ont découvert la connaissance fondamentale qui est requise pour ce travail de réparation.
Qui suis-je ? La grande investigation.
La connaissance de soi est la connaissance requise. Et l’éducation dans cette connaissance doit commencer dès l’enfance. Ce n’est que lorsque la manière de penser correctement est enseignée dans l’enfance, qu’un véritable progrès en résulte dans la vie de l’individu. Nous devons en premier lieu comprendre ce que nous sommes, quels sont les éléments de notre personnalité qui amélioreront sa beauté, et quels sont ceux qui gâcheront cette beauté. Combien de gens prennent-ils le temps de réfléchir sur eux-mêmes ? Tout au long de nos vies, nous pensons à nos obligations, nos plans de week-end, nos plaisirs et nos animaux de compagnie. Nous pensons aux vêtements que nous voulons, au nouveau modèle de voiture que nous voulons acheter, à quel type de peinture pour la maison. A chaque instant, des choses qui sont extérieures à nous-mêmes occupent notre attention. Qui de nous passe une demi-heure chaque jour dans le calme et le silence ? Qui de nous demande : ‘Qui suis-je ? Comment suis-je venu ici ? Quel est ce monde dans lequel je vis, où je n’étais pas encore il y a quelques temps et où je ne serai plus dans un certain temps ? Quelle est la connexion entre moi et cet univers, entre moi et ceux autour de moi avec lesquels j’ai une relation temporaire ? Dans cette organisation temporaire et toujours changeante, quel est mon devoir ?’ Vous ne prenez pas le temps de méditer sur ces questions. A moins que, et jusqu’à ce que vous ayez trouvé la réponse à ces questions et obtenu la connaissance indispensable de ce que vous êtes réellement, d’où vous venez et où se trouve votre ultime destinée, vous resterez très éloigné d’une vie efficace et résolue. Vous ne serez pas plus heureux en quittant ce monde que lorsque vous y êtes venu ; et vous ne quitterez pas cette terre pour un endroit meilleur et amélioré (par les vertus desquelles vous recevrez plus de lumière et de joie), ceci étant le but pour lequel vous étiez ici.
Vous n’êtes pas ce corps.
Ceci a toujours été le point central de la philosophie Hindoue. Les sages anciens et les Maîtres modernes ont toujours essayé de provoquer un éveil chez l’homme, de telle manière que cette vie terrestre puisse être correctement utilisée, pour obtenir l’indispensable connaissance du Soi. L’ignorant, l’idiot, le stupide ou le bête pense que le corps est le propre soi. L’idée que l’homme a de lui est : ‘Je mesure un mètre soixante-dix ; je pèse tant de kilos ; j’ai suis âgé de tant d’années, etc.’ Il n’y a pas de plus grande folie, de plus grande ignorance, de plus grand aveuglement ou stupidité, que de s’identifier avec cette cage d’os périssable, cette composition grossière de chair, de muscles et de peau ! Après tout, qu’est cette enveloppe physique, quand elle ne dépend pas totalement de nourriture périssable ? Quand on lui donne de la nourriture, le corps croît, mais quand on la lui retire, le corps est fini. Etes-vous cette chose absolument misérable, dépendant totalement de matériaux, qui sont eux-mêmes sujet au pourrissement ? Pourtant, c’est ce que pensent la majorité des gens.
Vous n’êtes pas ce corps. Ce corps s’est matérialisé il y a peu de temps. Son sort est de se désintégrer et de se dissoudre bientôt. Vous, vous ne pouvez être ce corps. Vous ne pouvez jamais sentir que vous cesserez d’exister. L’idée que vous avez cessé d’exister est impensable pour vous. De par votre nature même, une telle pensée est absolument inconcevable et impossible. La conscience ne vous permettra jamais de le faire, car même si posez comme postulat, ‘Je n’existe pas’, vous sentez que vous êtes celui qui fait cette déclaration. Vous sentez que vous êtes au-delà de l’idée même.
C’est par pure folie, aveuglement et manque de considération que nous pensons être ce corps. Le corps est simplement l’objet de votre perception. Vous pouvez le regarder et en parler comme si vous parliez d’un bureau ou d’une chaise. Par conséquent, il ne peut être le sujet, ni celui qui voit, ni celui qui perçoit. Après tout, vous êtes capable de dire : ‘Mon corps, mes mains, mes pieds, ma tête’ et même si vous perdez vos membres, vous ne vous sentiriez pas perdu. Aucun aspect de votre personnalité n’a été réduit par la perte de vos membres. Vous continuerez à ressentir que vous allez bien et que vous êtes indemne et intact. Vous conclurez donc que vous êtes celui qui perçoit le corps, lequel est simplement un objet de votre perception.
Vous n’êtes pas le mental
La conscience ne peut dépendre des sens. L’ensemble de vos sens peut-il être vous-mêmes ? Le sens de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et de l’ouïe, avec le centre des sens dans le cerveau qui les fait travailler, peut-il être vous-mêmes ? Si vous n’entendez pas, la perte de l’ouïe ne vous fait pas perdre votre individualité. Similairement, la perte de la vue ou de l’odorat, ne vous fait pas perdre votre personnalité. Et quand vous êtes dans le sommeil profond, où tous les dix sens sont complètement inopérants, comme s’ils étaient morts, vous êtes encore là. Vous continuez d’exister. Quand vous vous réveiller vous dites : ‘Je suis celui qui est allé dormir et maintenant je suis celui qui s’éveille. Je suis capable de dire que j’ai apprécié mon sommeil’.
Quel est ce ‘Je’ qui continue d’exister, même dans les profondeurs du sommeil sans rêves, quand la conscience du corps et du monde extérieur est absente et que les fonctions du mental sont arrêtées ? Vous existez pendant le sommeil profond, quand le corps est totalement inerte, quand les sens et le mental ne fonctionnent plus et quand l’intellect n’est plus actif. Immédiatement après le réveil, vous reprenez le fil de votre personnalité-conscience, comme si elle n’avait jamais été absente et vous dites : ‘J’ai dormi et je me suis bien reposé. Maintenant je suis revigoré’. Quel est ce mystérieux facteur indépendant de l’activité des sens, des fonctions du mental et de l’intellect qui vous permet de ressentir une conscience continue d’être ? Même si vous souffriez d’anémie et que vous perdiez complètement la mémoire, de telle façon que toutes les choses qui constituaient votre personnalité précédente fussent complètement effacées de votre conscience (comme quelque chose qui est écrit sur un tableau est effacé par un chiffon), vous diriez quand même, ‘Je ne sais pas’ ou ‘Je ne me rappelle pas’. Cette conscience ‘Je’ n’est jamais perdue. Quelle est cette conscience-Je, qui est indépendant de toutes les phases de la personnalité, incluant même la plus importante, la mémoire ?
Le facteur universel : ‘Je’ et ‘Je suis’
Quand vous allez profondément au fond de vous-mêmes, il devient apparent que ce ‘Je’, votre propre Soi, est quelque chose qui vous relie de manière très proche à toute l’humanité et à toute vie sur terre, et qu’il est universel. Prenez un vaste groupe de gens de différentes nationalités, races, religions, croyances et castes, chacun totalement différent de l’autre dans le nom et la forme, dans le langage, dans le mode de pensée, dans la couleur, dans les principes, dans l’habillement, dans la manière de manger, boire et dormir, en bref dans tout. Vous trouverez à votre grande stupéfaction que chacun de ces êtres totalement différents dit : ‘Je’, ‘Je’, ‘Je’ et aussi ‘Je suis’. Qu’il soit un africain Hottentot, un esquimau de l’Alaska, un Malaisien, un Arabe, un européen, un canadien, un Hindou ou un Bouddhiste il dit invariablement ‘Je’. Par conséquent, ce sentiment de Je et Je suis est différent de ces facteurs qui divisent les gens et les rend remarquablement différent. Ceci est sans aucun doute un facteur universel commun. Ceci est le facteur qui unit subtilement l’humanité.
Les mauvaises identifications détruisent l’universalité.
Nous venons de voir que chacun dit ‘Je’ et ‘Je suis’ et jusque-là, chacun se porte parfaitement bien, chacun est en accord avec tous les autres êtres de la terre. Mais ensuite, à partir du mot suivant, l’homme exprime son ignorance. Il poursuit avec ‘Je suis un Américain’, ‘Je suis un canadien’, ‘Je suis un Hindou’, Je suis un républicain’. Tout ce qu’il ajoute à ‘Je suis’, limite immédiatement sa conscience. Cela pollue tout de suite la conscience de l’unité. Ainsi, quand vous dites ‘je suis’, vous êtes un avec toute l’humanité. Mais quand vous dites ‘Je suis ceci ou cela’, vous vous séparez et créez une barrière entre vous et chaque être humain différent de vous. Vous vous coupez immédiatement du reste du monde et regardez les autres comme inamicaux, opposés à vous-mêmes, et encore pire, nuisibles pour vous-mêmes. En ceci repose une colossale ignorance, la nécessité de la plus grande clarté de la pensée. Ici, vous devez faire usage de votre intelligence.
Si votre intellect est votre ami et allié dans cette vie, c’est là qu’il doit être utilisé pour vous rendre un très grand service sous sa forme la plus hautement purifiée, et non pas aveuglé par l’illusion ou par les goûts ou aversions qui l’entraînent et l’empêtrent dans les appétits et attachements des sens et du désir de la nature inférieure. Si votre intellect, votre raison pure et votre compréhension sont pris dans la nature inférieure, s’il est ainsi privé de sa liberté, alors la conscience pure de ‘Je suis’ est viciée. Le sentiment de l’unité universelle avec toute vie se perd. L’intellect commence à vous enchaîner à la souffrance en vous liant à l’attachement, à l’égoïsme, à la passion, à la haine, à la colère, à la jalousie, à l’envie, à la mesquinerie, à la méchanceté, à la dureté, à la rudesse envers les autres. A cause du travail perverti de l’intellect, ces tendances impures naissent et produisent une mentalité séparatiste et une conscience limitée de la personnalité individuelle. Encore une fois, ‘Je suis’ vous fait ressentir l’unité avec tout l’univers, mais en disant ‘je suis un être humain’, vous vous limitez tout de suite à une espèce particulière, l’espèce humaine. Vous ressentez ‘Je ne suis pas cette créature’. Vous dites ‘Tuez ce chien, tuez ce rat, écrasez cette punaise’, tirez ce lapin’. Vous vous séparez ainsi de toutes les autres espèces. Et puis, après avoir dit ‘Je suis un être humain’, vous dites ‘Je suis un blanc’, et ainsi tout le monde de la race des non blancs devient quelque chose d’extérieur à vous. Vous créez une barrière et cela ne s’arrête pas même là. Vous rétrécissez votre conscience encore plus en disant, ‘Je suis français’, ‘Je suis américain’ et ensuite, ‘Je suis un parisien’ ou ‘Je suis un new-yorkais’, jusqu’à ce que vous soyez tellement limité que votre cœur, au lieu de s’ouvrir, devient étroit et serré. Cela veut dire que vous êtes dans le processus d’étouffement de votre esprit et d’étranglement de l’universalité de votre être véritable, de votre pure conscience, et de votre essence spirituelle naturelle. Ceci est la mort. Confiner votre esprit dans un cercle de plus en plus étroit est la même chose que d’aller à la racine même de votre vie, ou à la Source de la Vie, et là, essayer de l’étouffer. La Source de la Vie inonde et pénètre tout l’univers, mais en vous confinant, vous retenez cette expression fluide de la paix intérieure, contrecarrant son écoulement naturel et spontané. En vous identifiant avec des aspects passagers de votre être, tels que la couleur de la peau, la foi, la classe et la caste, etc., vous perdez toute l’immensité et l’allégresse de la conscience universelle qui est la vôtre. Vous vous privez de l’expérience réelle et exaltante de votre Soi. Vous ne connaissez plus votre Soi. Vous n’en connaissez qu’une pâle ombre, fausse et insuffisante. Alors vous pleurez, parce que vous allez contre la loi même de la vie.
L’expansion est joie. L’unité est joie. Sortir de votre petit soi, c’est devenir sans peur. Plus vous vous confinez dans une conception étroite de l’individualité, plus grande est la limitation qui en résulte. Il en naîtra à coup sûr la peur, les différences, l’inimité et la haine, et la paix qui est la nature essentielle de l’être est perdue. Quand l’amour est ainsi contrarié par le confinement de la conscience, comment le bonheur peut-il exister ? C’est l’amour qui apporte la lumière et le bonheur dans la vie de l’être humain. L’amour est l’essence de votre être.
Vous êtes Existence-Conscience-Béatitude.
Maintenant cela devient clair. Quand vous dites ‘Je suis’, vous affirmez votre Existence. Cette Existence est votre véritable nature et cette Existence est pour toujours. Elle est indestructible car elle n’est pas une chose créée comme le corps provenant des cinq éléments, et parce qu’elle n’est pas identique à aucun de ces facteurs non essentiels de votre être, comme le corps, etc. Elle est indépendante de tout cela. Elle est sans changement. Le mental change constamment, développe de nouvelles idées, se débarrasse des anciennes. Il y a un flux constant dans votre mental. Ce mental, qui est toujours dans un état de mouvement et de changement perpétuel, ne peut être le facteur éternel en vous. Le facteur éternel est Existence. Vous êtes Existence indestructible, impérissable. La vie éternelle est votre être véritable et essentiel. Ceci est votre nature.
Vous êtes également Conscience. Vous n’êtes pas inerte, et comme vous savez que vous existez, il y a par conséquent en vous Connaissance. C’est également une partie de votre nature essentielle. Ainsi, vous existez et vous êtes conscient de votre Existence, vous avez connaissance de votre Existence. Vous êtes conscient du Soi.
Vous êtes Existence, Connaissance et Béatitude. Quand vous savez que vous êtes cette pure Existence Conscience, et que vous savez aussi que vous n’êtes pas ce qui vous agite constamment, alors vous devenez totalement dépourvu de tous défauts et imperfections, de l’aspect inférieur et périssable de votre être. Toute douleur, tout chagrin, toute peur, tout ennui, toute souffrance sont pour le corps. Souffrir est le sort du corps. Expérimenter chagrin, illusion, jalousie, passion, désir, joie et tristesse, peur et affection est le sort du mental. Quand vous vous sentez indépendant du corps, indépendant du mental, distinct et différent des deux, alors comment pouvez-vous permettre à ces facteurs qui caractérisent les deux aspects inférieurs de votre être de vous affecter ou même de vous toucher ? Vous êtes sans douleur, sans souffrance, sans chagrin, sans illusion, sans goût et aversion, sans toutes ces imperfections qui caractérisent le mental et l’intellect. Ainsi vous êtes essentiellement plein de joie. Votre vraie nature est Béatitude. Vous êtes Existence-Conscience-Béatitude.
Ce ‘Je suis’ est différent de la partie corps-mental de votre être et se trouve dépourvu de toutes ses imperfections et défauts. Vous êtes Béatitude et cette Béatitude ne peut jamais être affectée, peu importe quels changements, vicissitudes et afflictions vous avez à expérimenter en tant qu’être humain aux niveaux inférieurs de votre être. De telles expériences ne vont pas plus loin que le mental, et si vous le permettez, pas plus loin que l’intellect ; mais elles ne peuvent pas aller au-delà. Elles ne peuvent Vous affecter. Elles ne peuvent Vous approcher, même légèrement, car Vous êtes Existence-Conscience-Béatitude, éternelle et absolue, incorruptible et sans changement. Connais-Toi Toi-même en tant que tel. La nature véritable de l’individu est vraiment cela.
Vous êtes Dieu même maintenant.
Ceci est la nature de l’âme hautement illuminée qui sait cela. C’est la nature de l’homme intelligent et pensant qui est souvent déconcerté, qui de temps en temps semble le savoir, et ensuite ne semble plus le savoir. C’est aussi la nature de l’homme ignorant, qui est illettré, et qui ne sait pas même comment penser. C’est la nature de l’imbécile et de l’idiot. Peu importe l’état d’évolution ou l’état de développement ou de manifestation de la conscience spirituelle intérieure dans laquelle vous vous trouvez, vous êtes Existence-Conscience-Béatitude. Même en ce moment. Personne ne peut vous voler ce fait.
Ce savoir est votre plus grande richesse. C’est ce que vous avez à découvrir. Vous êtes venu ici dans le seul but de réaliser cela. Tu es venu ici pour te connaître Toi-même. Cette vérité doit vous libérer. Vous êtes en fait toujours libre, même en ce moment, car cette Vérité demeure malgré le fait que vous n’en êtes pas conscient. Cette Vérité ne peut être emportée. Elle est toujours existante. Ne pas le savoir n’affecte en rien la plénitude de votre Existence.
Cette Vérité de votre être est le sujet sur lequel vous devriez réfléchir et penser, sur lequel vous devriez méditer. Cette Vérité, vous devriez essayer de la réaliser. Par-dessus tout, votre vie devrait être une expression de cette Vérité intérieure. Votre vie devrait être une démonstration spontanée de cela, la véritable nature-Béatitude intérieure, et pas une simple expression de la nature qui ne vous appartient pas, bien qu’en tant qu’être humain, vous ayez les deux côtés. Vous ne pouvez pas vous enfuir de la partie qui n’est pas vraiment vous, qui est fausse, qui a un début et une fin, qui est corruptible et périssable.
Votre véritable et essentielle nature est unie avec la Conscience Universelle, que les gens appellent Dieu, que les gens adorent comme l’Etre Suprême, mais sous différents noms : Allah, Jéhovah, Ishvara, Brahman, et Père Tout Puissant. Le nom que vous Lui donnez n’a pas d’importance. Il est Dieu. Il est l’éternelle Existence Absolue, suprême et infinie. Il est l’Etre Universel, la Conscience Commune Unique qui unie et relie l’humanité et remplie tout l’univers de bonheur. Il est cette grande, intarissable et éternelle Fontaine de Joie.
Dans votre nature essentielle vous êtes Cela. Vous êtes lié éternellement avec l’Océan Infini de Joie, de Béatitude et de Sagesse. Si vous réalisez cela, toute votre vie devient un rayonnement d’amour, de béatitude, de bonheur, de paix et de sérénité. Essayez chaque jour de faire un point sur la conscience de ce que vous êtes vraiment. Centrez-vous sur Dieu. Unifiez-vous avec le Principe d’Existence, qui se trouve même dans un brin d’herbe, un grain de poussière, un bout de nuage, et dans chaque mode et expression de la vie. En vous sentant unifié avec tout, comment pourriez-vous blesser les autres ? Comment pourriez-vous devenir faux et cruel ? Comment pourriez-vous décevoir les autres ou les tromper ? Comment pourriez-vous haïr ou vous mettre en colère ?
Marchez avec Dieu ; parlez avec Dieu
Ceci est la vision dont l’homme a besoin aujourd’hui au niveau individuel autant que collectif. Dans une interview, on demanda au professeur Einstein : ‘Que devons-nous faire professeur pour améliorer le monde ?’ Celui-ci répondit : ‘Nous devons améliorer les gens’. Cela veut dire que nous devons vivre dans la conscience de notre véritable nature. Si quelques personnes, une poignée de gens, en faisaient leur plus grand but et leur plus grande aspiration dans la vie et prenaient la ferme résolution de ne plus vivre comme de simples créatures matérialistes mais de se sentir divin, d’être toujours uni avec l’Essence Divine, alors de réels progrès seraient faits. Vivez de cette manière chaque jour.
Faites de cela votre aspiration. ‘Je ne veux pas me sentir comme corps ou sens. Je ne veux pas me sentir comme intellect imparfait, plein de désir et d’illusion. Je veux toujours me sentir comme un vrai et réel, suis’. Si vous faites de cela votre détermination, la Lumière entrera dans toute votre vie. Elle remplira votre maison. Partout où vous irez, les gens verront que vous apportez la clarté avec vous. Les gens malades commenceront à se sentir bien. Vous deviendrez un centre d’irradiation de la Vérité.
Vous êtes venu ici pour vivre comme des dieux, marcher comme des dieux, parler comme des dieux, agir comme des dieux, et vous sentir comme des dieux, car en vérité, vous êtes tous des enfants du Divin. Vous êtes éternellement unit avec Celui qui est toute perfection, toute pureté, toute conscience et toute sagesse. Ce grand fait est le facteur central de votre vie. C’est le trésor le plus précieux dans tout cœur humain. Vous devez toujours vous sentir comme irradiant l’Essence Divine intérieure. Vous devez regarder avec les Yeux de Dieu ; vous devez toucher avec la sensation de Dieu ; votre cœur doit battre avec la nature de Dieu et être plein d’amour pour toute l’humanité.
Se connaître Soi-même, c’est se sentir connecter à l’Eternelle Source de Joie. En silence, sachez que vous êtes divin. Alors la vie est ce Silence. Croissez, jour après jour, vers une plus grande réalisation de cette Conscience Joyeuse. Une telle vie amène finalement votre conscience dans l’Universel. La réalisation de la Conscience Cosmique, c’est savoir que vous faites partie intégrante de l’Essence Divine. Toute autre tâche dans la vie n’a qu’une signification relative. Etant pris dans le cadre de ce que nous sommes, peut-être ne pourrons-nous pas rejeter complètement les autres choses, mais ils ne seront que secondaires. Si vous réalisez toutes les soi-disant tâches de cette vie sans Vous connaître, votre vie sera perdue. Mais si vous avez humblement recherché, réalisé et ressenti cette Vérité unique intérieure comme votre propre expérience personnelle, alors vous aurez vécu votre vie pleinement, glorieusement et avec succès, peu importe comment vous aurez réalisé les autres tâches. D’innombrables bénédictions viendront à ceux qui vous accompagneront dans cette vie.
Cette Vie Divine est la seule tâche de votre existence mortelle. Votre être est venu de la Divinité. Que votre vie soit menée dans la Divinité, même dans cette condition incarnée. Votre destination ultime est l’Eternelle Divinité. De même que la vie mène vers la Gloire, qu’elle soit menée dans la Gloire. Que votre vie soit couronnée par la Réalisation Suprême. Que la Béatitude et la Vérité soit votre seule expérience, et que la Paix, la Sérénité et l’Amour vous soient accordés dans le monde dans lequel nous vivons. Connais ton Soi, et soit Divin et divinement bienheureux.
(Swami Chidananda)